Les avocats du barreau du Nord-Kivu menacent d’observer des journées sans toge pour protester contre la détention « arbitraire » de deux de leurs confrères à Kinshasa.
Lors d’une déclaration de presse tenue ce jeudi 5 septembre à Goma, les avocats ont exprimé leur indignation face à la situation alarmante des droits humains dans la province exacerbée par l’état de siège en cours.
Les avocats Bandu et Tsongo sont actuellement détenus depuis plus de deux mois, accusés d’avoir collaboré avec le groupe armé M23. Leur arrestation a été marquée par l’absence de procès équitable, une situation que les avocats qualifient de violation flagrante des droits fondamentaux.
» Suite au délitement de l’état de droit depuis la proclamation de l’état de siège aggravé par la guerre d’agression, les membres du barreau du Nord-Kivu sont de plus en plus harcelés, intimidés, privés de liberté et des atteintes de l’intégrité physique de la part de certains magistrats du parquet et des services de renseignements militaires. À titre d’exemple, Me Chibeya Bandu, membre de notre barreau, est arrêté depuis le six juillet 2024 à Goma par les agents de renseignements militaires avant d’être acheminé au ex DEMIAP à Kinshasa, au motif qu’il serait en contact avec un cadre du M23 sans en détenir des preuves. Nous craignons que sa santé, en plus de son statut de diabétique avéré, se détériore davantage au regard de la précarité des conditions de sa détention. Me Tsongo Kapurusi Fabrice a été arrêté à Butembo par les mêmes agents et détenu depuis le 26 juillet 2024 par les renseignements militaires à Beni. Selon les services, il serait en connivence avec le M23, motif non appuyé par les éléments de preuve. Ces deux avocats sont privés des visites et toute assistance de leurs confrères, ce qui viole les articles 17, 18 et 19 de la constitution de la RDC», a déclaré le bâtonnier Joseph Saanane.
Dans leur déclaration, les avocats ont exigé la libération immédiate et sans condition de leurs confrères. Ils insistent sur le fait que, si des charges sont à porter contre eux, celles-ci doivent être examinées devant des juridictions compétentes. «Nous réitérons ici, la requête adressée à Madame la ministre des droits humains lors de son séjour à Goma, tendant à obtenir la libération sans condition des confrères Chebeya Bandu et Tsongo Fabrice détenus arbitrairement par les services de renseignements militaires faute de quoi le barreau du Nord-Kivu envisage d’appeler ses membres à observer des journées sans toge sur toute l’étendue de la province du Nord-Kivu», a-t-il ajouté.
Les avocats du Nord-Kivu ont également dénoncé le fait qu’ils sont devenus des cibles privilégiées de certaines autorités judiciaires et provinciales. « L’état de siège a exacerbé une culture de la peur et de la répression, rendant notre travail de plus en plus difficile », a souligné un autre avocat présent à la conférence.
Les avocats ne se battent pas seulement pour leurs confrères, mais aussi pour la protection des droits de tous les citoyens congolais. «Nous craignons que le sort de nos confrères ne soit qu’un aperçu de ce que vivent les citoyens lambda au Nord-Kivu. Si les avocats sont arrêtés, si les avocats sont harcelés, quid alors du citoyen lambda ?», ont-ils averti appelant à une attention particulière du gouvernement congolais.
Face à cette situation, les avocats du barreau du Nord-Kivu s’engagent à défendre la justice et les droits humains, tout en dénonçant les abus dont ils sont victimes. Ils expriment leur volonté d’obtenir une justice équitable plutôt qu’une immunité totale.
Les avocats dénoncent des arrestations basées sur des motifs fallacieux. Un incident marquant a été la déclaration, en 2023, de décès d’un avocat, qui a fait l’objet d’un deuil organisé par sa famille, avant qu’il ne réapparaisse. Cet événement a suscité des inquiétudes concernant les dérives de détentions non documentées dont souffrent des avocats dans la province du Nord-Kivu. Les avocats réclament une protection juridique solide et le respect des lois en vigueur.
Jospin HANGI