Le maire de Goma , le commissaire supérieur principal Faustin Kamand Kapend, a formellement interdit la journée ville morte prévue pour le lundi 2 septembre, une initiative lancée par le collectif des mouvements citoyens et groupes de pression du Nord-Kivu ce vendredi 30 août 2024. Pendant ce temps, les enseignants du Nord-Kivu, frustrés par des conditions de travail jugées précaires, ont annoncé leur intention de boycotter la rentrée scolaire 2024-2025 prévue le 2 septembre sur tout le territoire congolais.
La décision du maire, prise dans le cadre des mesures liées à l’état de siège en vigueur dans la province, vise à prévenir toute manifestation publique. L’autorité urbaine a justifié cette interdiction par la nécessité de maintenir l’ordre public.
Le maire a également souligné que des cérémonies funéraires pour les victimes des atrocités commises par le M23 et l’armée rwandaise se tiendront le même jour, renforçant la délicatesse de la situation.
« Le maire de Goma, le commissaire supérieur Faustin Kapend Kamand rappelle au public qu’en vertu de l’article 4 de l’ordonnance N°21/06 du 3 mai 2021 portant mesures d’application de l’état de siège sur une partie du territoire de la RDC, toutes les manifestations de ce genre sont interdites… Par ailleurs, il invite les élèves, les enseignants, les parents et toute la population de Goma de vaquer librement à leurs occupations tout en gardant une pensée pieuse aux compatriotes tombés sur le champ de bataille ou dans différents sites de déplacés à la suite des massacres inhérents aux attaques du M23 et de l’armée rwandaise lesquels seront mis en terre le même jour», martèle le communiqué signé par le maire de Goma, le commissaire supérieur principal Faustin Kamand Kapend.
Entre-temps, le collectif des mouvements citoyens déplore l’insécurité grandissante dans le Nord-Kivu. Les organisateurs de la journée ville morte dénoncent, entre autres, le déploiement des troupes kényanes en République Démocratique du Congo, qui fait partie des efforts de la MONUSCO pour stabiliser la région. Ils estiment que cette intervention militaire ne répond pas aux besoins locaux et pourrait aggraver la situation.
Le commissaire divisionnaire Kapend Kamand Faustin a, cependant, invité les organisateurs à se constituer en commission pour soumettre leurs revendications auprès des autorités compétentes. Ce, dans le but de trouver une solution pacifique et appropriée aux préoccupations exprimées par les citoyens, tout en respectant les lois en vigueur.
« Ainsi tout en mettant en garde les initiateurs, il leur demande de se constituer en une équipe de 5 personnes pour déposer éventuellement leur mémorandum à qui de droit étant donné qu’il existe des mécanismes politiques et diplomatiques légaux pour des telles questions. »
Alors que la rentrée scolaire est prévue le même jour, les organisateurs espéraient que cette mobilisation attirerait l’attention sur les enjeux cruciaux de sécurité et de gouvernance dans la région.
Parallèlement, les enseignants du Nord-Kivu, frustrés par des conditions de travail jugées précaires, ont annoncé leur intention de boycotter la rentrée scolaire 2024-2025 prévue le 2 septembre sur tout le territoire congolais.
Cette décision fait suite à une assemblée générale tenue à Goma le 30 août 2024, où les enseignants ont exprimé leurs préoccupations face à l’absence d’améliorations significatives dans leur rémunération et leurs conditions de travail. Ils réclament une assurance mensuelle de 500 dollars par enseignant, estimant que cette somme est nécessaire pour faire face aux défis économiques croissants et pour garantir une éducation de qualité à leurs élèves.
Les enseignants soulignent que la situation actuelle compromet non seulement leur bien-être, mais aussi l’avenir de milliers d’élèves qui dépendent d’un système éducatif stable. Ce boycott pourrait donc avoir des répercussions importantes sur l’éducation dans la région, exacerbant ainsi les tensions déjà présentes entre les autorités locales et les mouvements citoyens, qui luttent pour des changements positifs.
Les mouvements citoyens, réunis au sein du collectif, expriment leur profonde inquiétude face à la montée de l’insécurité dans la région. Ils accusent les troupes kényanes d’avoir, par le passé, facilité l’avancée de la rébellion M23 soutenue par le Rwanda, notamment en 2023, alors qu’elles faisaient partie de la force régionale de l’EAC (Communauté de l’Afrique de l’Est). Cette situation a exacerbé les tensions et suscité un sentiment d’abandon parmi la population locale.
« C’est grâce aux forces kényanes de l’EAC que le M23 a pu s’organiser pour s’attaquer à une grande partie de Masisi, Rutshuru et Nyiragongo. Suite à cela la présence de la troupe kényane, sous le label de la monusco, serait donc une diversion qui consiste à tromper la population congolaise dans une stratégie interminable orchestrée par les autorités congolaises et la communauté internationale. Dénonçons les propos déplacés et humiliants du président kényan William Ruto à l’endroit de la RDC ainsi que l’inconstance et la défaillance de la monusco», déclare le collectif.
En plus de s’opposer à l’ingérence étrangère, le collectif interpelle également les autorités du Nord-Kivu sur la criminalité croissante à Goma. Ils appellent à des mesures concrètes pour assurer la sécurité des citoyens, qui se sentent de plus en plus vulnérables dans leur propre pays.
« Nous dénonçons également l’aggravation de la situation sécuritaire sur l’étendue de la ville de Goma et en province du Nord-Kivu en général sous l’œil impuissant des autorités compétentes. Dénonçons par la même occasion les tueries en répétition en pleine ville de Goma», conclut la déclaration du collectif des mouvements citoyens et groupes de pression du Nord-Kivu lue devant la presse de Goma ce 30 août 2024.
Alors que l’insécurité continue de menacer la stabilité de la région, le collectif des mouvements citoyens appelle à une mobilisation générale pour revendiquer des solutions durables.
Pendant que le gouvernement congolais affirme sa détermination à contrôler la situation sécuritaire, les acteurs locaux demeurent sceptiques quant à la capacité des forces internationales à répondre aux défis persistants. Face aux controverses autour du déploiement des troupes kényanes au Nord-Kivu, le gouvernement congolais a également affirmé qu’il se réservait le droit de revoir les contingents qui composent les forces onusiennes.
La rentrée scolaire prévue le 2 septembre paraît incertaine à Goma, en dépit de l’interdiction par le maire de la journée ville morte annoncée par les mouvements citoyens. Il faudra trouver une solution urgente aux revendications des enseignants du Nord-Kivu afin que les élèves regagnent leur classe.
Encore que l’éducation est déjà en proie à de nombreux défis, le risque d’un boycott prolongé pourrait aggraver la situation, laissant des milliers d’élèves sans accès à l’enseignement. Les autorités tant locales que nationales, tout en cherchant à maintenir l’ordre public, sont également appelées à écouter les préoccupations légitimes des enseignants.
Jospin HANGI